Dera Ismail Khan - 16 au 18 décembre 2016

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Nous avons eu la joie d’être témoins d’un mariage pakistanais ! Nous avons été accueillis à bras ouverts, avons participé à une belle soirée et fait de belles rencontres.

Nous nous sommes réveillés à Dera Ismail Khan, une ville dans le sud-ouest d’Islamabad. Cette ville est beaucoup plus conservatrice qu’Islamabad, et les quelques femmes que nous avons croisées dans la rue portaient leur niqab et même une burqa (couvrant tout le corps y compris le visage). Nous étions là pour le mariage d’un ami de Faisal, notre hôte à Islamabad. Même s’il m’avait dit à Islamabad que je suis libre et que je n’ai pas besoin de me couvrir les cheveux, ici Faisal m’a recommandé de bien mettre mon écharpe sur ma tête. Pour ceux qui m’ont demandé si je le portais, j’aime porter mon foulard sur mes cheveux car pour moi c’est un signe de respect envers la culture locale (qu’on essaye de respecter partout où l’on va). A Islamabad, beaucoup de femmes ne le portaient pas. Nous nous demandons toujours si les femmes choisissent de le porter pour elles-mêmes ou si la société et la religion les pousse ou les force à le faire. Question difficile car ce n’est pas tout noir ou tout blanc et je ne veux pas commencer un débat ici !

Donc le matin, nous sommes allés chez le marié pour rencontrer sa famille que Faisal connaissait. Ils nous ont chaleureusement accueillis dans une superbe maison et nous ont offert le petit déjeuner. Ce mariage durait trois jours consécutifs et nous allions assister à la deuxième journée.

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Le marié, Faisal et nous

En fait, le premier jour, il y avait une cérémonie traditionnelle, le Mehndi, pendant laquelle les mariés et les invités décorèrent leurs mains avec du henné. Les amis et la famille du marié apportent des bonbons et du henné pour la mariée, et la famille de la mariée fait de même pour le marié. L’événement est traditionnellement tenu séparément pour la mariée et le marié. Lors de la cérémonie de la mariée, le marié ne participe normalement pas, et inversement. C’est ce premier jour que nous avons manqué.

Le deuxième jour du mariage, qui s’appelle Barat est celui auquel nous allions participer. Ce jour là, le marié vient dans la maison de la mariée pour que se tienne la cérémonie officielle du mariage et pour ramener sa jeune épouse chez lui (qui est en fait aussi la maison de ses parents). Quand nous sommes arrivés dans la maison de la mariée, on nous a dit que la famille de la mariée était très conservatrice, donc les femmes et les hommes ne passeraient pas la soirée ensemble, mais séparés dans différentes parties de la maison. Alors je me suis dirigée d’un côté avec les autres femmes, alors qu’Alex suivait Faisal dans la salle réservée aux hommes. Heureusement, les femmes que j’avais rencontrées le matin étaient très gentilles et ont pris grand soin de moi. Nous avons commencé à danser ensemble sur la musique d’un tambour joué par une vieille femme. Les filles autour de moi laissaient leurs voiles tomber sur leurs épaules, mais je me suis rendue compte que seule la famille du marié dansait, les autres femmes gardaient leur voile couvrant leurs cheveux et parfois même leurs visages, et ne dansaient pas. Après une heure de danses et de bavardages, le dîner est arrivé et nous avons mangé un délicieux boeuf pulau (riz) et du halwa (dessert fait de semoule sucrée et de cardamone). Puis la mariée est entrée dans la pièce. Elle était si belle, elle portait une belle robe jaune et rouge avec de la dentelle, ses cheveux étaient délicatement couverts d’un foulard rouge et doré, elle avait l’air si calme. Elle gardait les yeux baissés. Je me suis sentie surprise parce que je me souvenais avoir été si surexcitée le jour de mon mariage et ici, elle n’avait pas l’air aussi heureuse mais plutôt calme. Faisal nous a dit après coup que c’est la façon dont les mariées doivent se comporter le jour de leur mariage au Pakistan.

En fait, le mariage était un mariage arrangé, et en y participant nous avons aussi pris conscience du gouffre culturel que nous avons avec le Pakistan sur le sujet du mariage. Avant d’assister à ce mariage, nous étions loin de nous imaginer que les mariages arrangés représentent encore la majorité des mariages au Pakistan. Nous avons encore du mal à comprendre les implications d’un mariage sans amour, rencontrer sa femme pour la première fois le jour de son mariage, savoir que l’on va passer le reste de sa vie ensemble sans connaître ses avis, sa morale, ses habitudes auxquelles on va devoir s’adapter. Dans une relation amoureuse, il y a des choses que l’on découvre sur l’autre au fur et à mesure et qui nous font décider mutuellement si cette personne peut être notre compagnon ou pas pour le reste de notre vie. Se marier sans savoir ces choses, c’est accepter l’autre quel que soit ce que l’on va découvrir sur elle ou lui et faire preuve d’une adaptation sans faille pour l’accepter.

Les parents s’étant mis d’accord pour sur le mariage, le marié avait seulement vu des photos de la mariée avant le jour J. Donc, aujourd’hui, c’était le jour où il la verrait pour la première fois. Je me suis dit que la mariée devait prier ou ressentir le moment si profondément qu’elle était dans ses propres pensées, ou peut-être qu’elle était stressée de rencontrer son mari pour la première fois. Les filles dansaient et s’asseyaient à côté d’elle pour prendre quelques photos avec elle. Je me suis assise à côté d’elle et l’ai félicitée, elle m’a souri et m’a demandé si tout allait bien. Je n’ai pas osé en demander davantage. En France, je ne me serais pas attendue à ce qu’une femme que je ne connais pas s’assoie à côté de moi lors de mon mariage et commence à me poser de profondes questions sur mon engagement !

Après quelques minutes, le marié est arrivé et s’est assis à côté d’elle. Ils ont échangé quelques mots, les femmes et les filles autour dansaient et criaient joyeusement. Puis, après dix minutes, le marié est parti. La cérémonie était terminée !

Voici ce qui s’est passé du côté des hommes, d’après le rapport d’Alex. Il a été accueilli très chaleureusement par les hommes et s’est retrouvé assis à table à côté du marié lui-même. Un grand honneur ! Il a passé la soirée à parler avec le marié et d’autres jeunes pakistanais très sympathiques. Avant que le marié aille voir la mariée, il y a eu une cérémonie tenue par un imam entre le marié et le père de la mariée.

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Puis le marié est parti pour aller du côté des femmes pour voir sa femme ! Et il revint quelques minutes plus tard.

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A beautiful peaceful old man, guest at the wedding

Alex et moi nous sommes retrouvés en quittant la maison, et la mariée et toute la famille du marié sont partis pour retourner à la maison du marié. Là bas, le marié et la mariée, toujours les yeux baissés, se sont assis sur une petite scène dans une grande pièce de la maison, et la musique a commencé plus joyeuse que jamais. Les filles dansaient et mettaient une ambiance festive. Les mariés par contre n’ont pas dansé. Lors des danses, les gens jettaient des pétales de rose sur nous. J’ai adoré les danses traditionnelles et nous nous sommes bien amusés !

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Après un moment, il était temps pour nous de partir. La mère du marié m’a serrée dans ses bras et m’a offert des dates (spécialité de la région) et nous avons promis de nous revoir, Inch’Allah.

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Quand nous sommes sortis de la maison, nous avons été surpris de voir qu’une escorte militaire nous attendait. Un pick up avec trois hommes armés à l’arrière. Ils nous ont escortés jusqu’à notre hôtel … où deux autres hommes armés sont restés toute la nuit pour garder la porte de notre chambre !

Le lendemain, nous sommes partis tôt pour arriver à Islamabad dans l’après-midi. Cette fois-ci, il y avait une escorte de police qui nous attendait en sortant de l’hôtel. Mais elle ne conduisait pas assez vite pour Faisal, qui se débarrassa d’eux. Nous devons dire que notre hôte Faisal est vraiment adorable, mais son seul défaut est sa façon de conduire : trop vite, trop près, bref trop stressant. Il n’aurait jamais obtenu son permis de conduire en France ! (en venant d’Islamabad il s’est pris une contravention pour excès de vitesse de, tenez vous bien, 5 € pour plus de 150 km/h au lieu des 120 km/h acceptés – en France, elle aurait été de 90 € et 3 points de permis !). Donc vous imaginez bien que nous étions un peu déçus quand l’escorte est partie, nous laissant avec sa conduite mortelle. Cette patrouille devait nous escorter jusqu’à la frontière de la province, où une autre patrouille devait prendre le relais. Nous avons essayé de faire baisser sa vitesse à Faisal et prié pour que l’autre patrouille ne soit pas trop loin. Mais à la frontière il n’y avait pas de patrouille, ou du moins nous avons conduit si vite que nous ne l’avons pas vue ! Nous avons pensé que la sécurité était un peu légère s’ils cessent de nous escorter quand Faisal leur demande de partir, sans demander à Alex ou moi ce que nous en pensons ! Nous avons senti que nous n’avions pas besoin d’une escorte, mais s’ils décident de nous en donner une, ils devraient suivre leur procédure de sécurité… Après une heure de conduite, nous avons fait une pause à Mianwali, une ville où un collègue de Faisal nous a offert un gigantesque incroyablement bon petit déjeuner avec pratas (pains plats fris), œufs sur le plat, omelettes, croquettes croustillantes au poulet, toasts, yaourt maison, yaourt pas maison, lassi maison, crème fraîche, pratas sucrées et thé au lait ! Une nouvelle fois l’hospitalité pakistanaise nous a dépassé ! Mais pendant ce petit déjeuner, Faisal a reçu un coup de fil de ce que nous avons compris être la police, mécontente que nous soyons partis sans l’escorte et essayant de nous localiser (ok donc on retire nos doutes sur leur procédure de sécurité). Ils nous ont trouvés dans la maison et nous ont amenés au quartier général de la police de la ville.

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Nous avons été amenés dans le bureau du chef de la police, une grande salle en bois avec un immense bureau impressionant au milieu. Le chef de la police nous jeta un regard perçant, il n’avait pas l’air très heureux que nous soyons partis sans la patrouille. En plus, son assistant qui nous avait emmené dans le bureau a commencé à lui dire que nous n’avions pas nos passeports sur nous (ils étaient au bureau des visas à Islamabad pour notre extension). Le chef de la police nous a alors demandé dans un parfait français « alors on vient dans la région sans prévenir ? ». Nous nous sommes regardés, nous avions vu Faisal passer des dizaines de coups de fil pour annoncer notre arrivée et prévenir tout le monde, mais sans savoir ce qui se disait exactement car il ne parlait pas anglais avec ses interlocuteurs. Mais le chef de la police s’est radouci et a commencé à nous parler de la pluie et du beau temps en nous disant qu’il nous avait fait venir dans son bureau pour nous offrir une tasse de thé (oui voilà encore cette fameuse tasse de thé pakistanaise !). Il nous a dit qu’il nous fournissait une escorte jusqu’à Islamabad et nous remerciâmes Dieu (quel qu’il soit) pour cela, parce que Faisal a dû réduire sa vitesse à celle de la voiture de police qui nous précédait. Sur les conseils du chef de la police, nous nous sommes arrêtés à Namal College, une belle université donnant sur un magnifique lac naturel. Les hommes de la patrouille de police ont même demandé à prendre des selfies avec nous !

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La route a traversé des collines rocheuses, des vergers de dattiers, croisant la route de chameaux. De la route nous pouvions voir des dizaines de cheminées qui servent à produire des briques. La patrouille a changé une fois de plus et nous a laissés à l’autoroute pour Islamabad. Durant le voyage, je me suis livrée à mon occupation préférée : regarder les beaux camions pakistanais sur la route.

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Pakistani trucks are all colorfully decorated with drawings and poems

En arrivant à Islamabad, le rythme des jours précédents et la fatigue nous ont poussé à prendre du repos. Nous avons passé les jours suivants à essayer de remettre en contexte tout ce que nous avions appris au cours des semaines précédentes sur le Pakistan, la religion et la politique !

11 thoughts on “Dera Ismail Khan - 16 au 18 décembre 2016

  1. Loved reading this.

    Among conservative families, groom goes to sit with the bride when they are already married.So yeah most probably that short ceremony the imam did was the actual marriage thing called Nikah.

    What’s that place in the first photo?

    1. Thanks Talha for your comment and explanations! We took the first photo in a Hindu temple we visited just before the wedding with a Hindu priest who is friend of the groom’s family.

  2. C’est quand même énorme qu’il ait réussi à semer les flics^^ heureusement que vous les avez dans la poche (et qu’il voulait tant vous offrir cette tasse de thé)
    Bisous!

    1. Oui au Pakistan le thé est vraiment primordial dans les relations sociales^^ On aurait dû compter toutes les tasses qu’on a bues, assurément ça aurait pu rentrer dans le livre des records !

  3. En juin 1905, ma grand-mère maternelle, qui avait un peu moins de 16 ans, se trouvait en pension, à l’école (elle n’y passait que quelques semaines par an, lorsque les travaux de la ferme le permettaient). Un jour, la directrice l’a fait appeler. Elle a été étonnée de trouver sa mère dans le bureau. La directrice lui a dit d’aller chercher ses affaires: « Vous rentrez chez vous. Vous allez vous marier. »
    Elle n’avait jamais rencontré son futur mari. Elle l’a aperçu pour la première fois ce soir-là, sans échanger un seul mot avec lui. Le mariage a eu lieu trois semaines plus tard sans qu’ils se soient jamais parlé.
    L’acte de mariage précise qu’elle est « âgée de 15 ans et 11 mois, ici présente et consentante.. ».
    Consentante? Consentante à quoi? Longtemps plus tard, elle nous disait: »Depuis qu’on m’a mariée, tous les jours je demande à Dieu de me faire mourir ». Je dois préciser que, parfois, elle ajoutait en rigolant: « Oui, mais celui-là ne doit pas m’entendre, alors je vais devoir l’aider et aller me noyer… »
    Cela ne s’est pas passé au Pakistan ni dans un Basutholand quelconque, mais en Bretagne, province qu’on disait arriérée mais qui n’était pas si différente de toutes les autres régions françaises. Les mariages arrangés existent encore dans notre pays au XXIème siècle.

    1. Merci pour votre message ! Mon père m’a parlé de vos beaux voyages ! Nous nous sommes en effet fait la réflexion qu’il n’y a pas si longtemps nos ancêtres avaient dû connaître la même chose… L’histoire de votre grand-mère en est la preuve. Il n’en reste pas moins que nous avons été surpris que les mariages arrangés soient l’écrasante majorité des mariages au Pakistan. C’est quelque chose auquel nous n’avions absolument pas pensé !

  4. You have had a great time in Pakistan, the people are amazing here. A country full of colors and seasons. Sadly, the picture of Pakistan in the media isn’t very true. I hope to see a day when you won’t need escort to visit any place across Pakistan. The last picture shows a truck, I am amazed to see that how you observe every small and little details about things. I wish to visit France soon.
    Thank you
    Ahsen Khan

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