Rencontre avec Rupa : Ou comment être heureux en aidant les autres

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Avec Rupa

Parfois, on rencontre des gens qui nous inspirent et changent la façon dont on voit la vie. Rupa est l’une de ces personnes. Nous l’avons rencontrée par grâce au site Couchsurfing par lequel elle nous a offert un endroit pour dormir à Hat Yai en Thaïlande, et nous étions censés rester une nuit mais nous avons finalement fini par rester quatre jours chez elle !

Rupa a 34 ans et vient de Chittagong, au Bangladesh. Elle est pleine d’énergie et de joie, elle est bavarde mais parfois, elle se tait et part dans ses pensées et on peut voir dans son regard qu’elle n’a pas eu une vie aussi facile que la nôtre.

A Hat Yai, Rupa travaille pour les Nations Unies pour aider des réfugiés venant du Myanmar. Ces réfugiés sont des Rohingyas, un groupe ethnique musulman vivant dans l’ouest du Myanmar. Le Myanmar est un pays bouddhiste et ne les reconnaît pas comme ses citoyens, en disant qu’ils sont Bangladeshi. Mais le Bangladesh ne les considère pas comme Bangladeshi parce qu’ils ne vivent pas sur leur territoire. Les Rohingyas font donc partie des communautés apatrides. Au Myanmar, les Rohingyas sont marginalisés et persécutés, ils ne disposent d’aucun droit, ils ne peuvent pas voter, créer une entreprise, bénéficier de soins de santé. En 2012, une loi a été votée pour les empêcher de se marier aux Birmans bouddhistes. Donc, beaucoup d’entre eux quittent le Myanmar pour trouver une vie meilleure en Malaisie, ils tombent dans les mains des trafiquants d’êtres humains, ils sont entassés dans des bateaux, et une fois qu’ils arrivent en Thaïlande, beaucoup d’entre eux finissent dans des centres de détention d’immigrants, surveillés par les autorités thaïlandaises.

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La fuite des Rohingyas depuis le Myanmar

Les Rohingyas parlent une langue proche du dialecte local parlé à Chittagong, la ville natale de Rupa au Bangladesh, c’est pourquoi Rupa peut les aider parce qu’elle parle Rohingya. Sa mission est de s’assurer que les Rohingyas ne sont pas maltraités dans les centres, et d’organiser des appels téléphoniques entre eux et leurs familles. Au cours d’un appel téléphonique, le réfugié donne à Rupa le numéro de téléphone à appeler pour joindre quelqu’un de sa famille, alors Rupa appelle et pose quelques questions pour s’assurer que la personne qui répond est bien de la famille et non pas un trafiquant, puis elle laisse le réfugié parler au téléphone. Elle enregistre ensuite tout ce qui est dit. L’appel téléphonique est terminé au bout de trois minutes, car limité par les autorités thaïlandaises (parfois ils permettent quand même des appels plus longs). Souvent, les réfugiés n’ont pas été en contact avec leur famille depuis des mois voire des années. Je vous laisse imaginer combien trois minutes sont courtes, lorsque leur famille découvre qu’ils sont encore en vie, ou qu’ils découvrent que des proches sont décédés… Rupa est heureuse d’aider ces gens qui sont rejetés par tous. Elle s’occupe également de les aider à aller aux États-Unis pour obtenir un travail là-bas. Les Etats-Unis sont le seul pays qui propose aux Rohingyas de les accueillir. Si les Rohingyas parviennent à être acceptés par les Etats-Unis, ils peuvent être en mesure un jour de faire venir leur famille avec eux.

Cela fait 4 mois que Rupa travaille avec les Rohingyas. Avant, elle a monté avec ses amis une école au Bangladesh, pour les enfants qui vivent dans des zones éloignées (voilà la page Facebook de l’une d’elle). Et quand je dis « éloignées », je parle de zones que l’on peut atteindre seulement après un trek de 3 jours dans la jungle et la montagne.

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L’école de Pawmang

Rupa aime travailler avec les enfants et ceux de son école lui manquent beaucoup. C’est dur de l’entendre parler de ces enfants, et dire que l’un d’eux est mort de la typhoïde le mois dernier, la mort d’un enfant semble si commune là-bas. Même si les enfants lui manquent, elle est très heureuse de son travail en Thaïlande. Plus que toute autre chose elle a besoin d’un travail qui a du sens (et cela lui a fait changer de travail pas mal de fois). Elle a étudié la sociologie et a fait quelques boulots avant de se tourner vers les ONG. Le fait qu’elle valorise le sens et la valeur de son travail plus que toute autre chose l’a conduite une fois à démissionner à son premier jour de travail ! Elle avait été embauchée par une ONG, mais le premier jour elle s’est aperçue que cette ONG se faisait de l’argent sur le dos des volontaires étrangers et que ces bénéfices n’étaient pas utilisés pour la bonne cause. Même si elle avait désespérément besoin d’un emploi, elle a eu le courage de quitter celui-ci le jour même, parce qu’il ne correspondait pas du tout avec ses valeurs.

Rupa a trouvé son chemin pour aider les gens et prendre soin d’eux. Et travailler avec des gens qui ont des histoires souvent terribles vous fait devenir plus sage sur la vie et son sens. Rupa n’a pas besoin de choses, elle n’est pas victime de la société de consommation, elle ne croit pas dans le concept de personne « civilisée ». Elle considère à juste titre que l’on ne peut pas appeler certaines personnes « non civilisés » parce qu’ils vivent à l’écart et n’ont pas accès à l’éducation et à des infrastructures modernes. Les gens « civilisés » ont peut-être tout cela, mais ils agissent parfois vraiment inhumainement envers les autres. Quand ils tombent sur des gens moins développés techniquement, ils veulent absolument leur imposer leur mode de vie. Nous savons que la colonisation a nui à toutes les populations locales (Maoris, ethnies en Asie du Sud-Est, en Inde, Indiens d’Amérique …), mais encore aujourd’hui nous essayons toujours d’imposer notre mode de vie à ceux qui vivent dans des régions éloignées, sans se rendre compte que ceux-ci n’ont pas besoin de nous. Certains d’entre eux sont plus heureux que nous ne le serons jamais, ils vivent une vie simple, loin de nos cultures matérialistes.

Certaines personnes comme Rupa vont trouver la clé de leur bonheur en aidant les autres et ainsi atteindre un état d’esprit dans lequel ils vont vivre pour les gens et non pas pour « les choses ». La société de consommation fait toujours en sorte que l’on a l’impression d’avoir besoin de plus de « choses » pour être heureux, mais si vous prenez du recul, regardez autour de vous, peut-être que vous vous rendrez compte que donner aux autres vous fait vous sentir mieux que d’acheter pour vous-même.

Vous allez dire que nous savons tous déjà qu’être moins matérialiste et plus centré sur les autres est une clé du bonheur. Cependant, notre défi est de comprendre ceci : Comment des personnes comme Rupa parviennent à se détacher de la société de consommation et consacrer leur temps à d’autres personnes ? Nous sommes toujours à la recherche de la réponse et espérons rencontrer d’autres personnes comme Rupa pour comprendre ce qu’ils ont en commun avec elle.

Aujourd’hui, Rupa nous a inspiré pour trouver un sens dans notre travail, mais nous ne savons toujours pas comment nous pourrions faire ce qu’elle fait, parce que nous aimons notre confort, nous aimons gagner de l’argent pour voyager, nous rêvons d’un bel appartement dans le centre de Lyon. Peut-être que ce voyage sans notre confort, avec seulement deux sacs à dos, est le début de notre chemin pour devenir de plus en plus comme elle…

Pour aller plus loin :
Un article qui nous en apprend plus sur les Rohingyas : http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/11/11/qui-sont-les-rohingya-peuple-persecute-et-oublie-des-elections-birmanes_4807653_4355770.html

5 thoughts on “Rencontre avec Rupa : Ou comment être heureux en aidant les autres

  1. Bonjour,
    Je viens de découvrir votre blog de voyage, et je trouve le trouve très très inspirant. Je rêve de partir et parcourir tout le chemin retour de façon terrestre. Je n’avais jusqu’à maintenant jamais rencontré de personne le faisant et je trouve très inspirant de lire tous vos article et de voir que ce n’est pas fou mais juste un beau rêve/projet.
    Et alors cet article c’est la cerise sur le gâteau, en effet, tout le monde sait rationnellement que l’argent ne fait pas le bonheur et qu’il faudrait se détacher de notre vie de consommateur. Et pourtant, comment passer de cette idée à notre mode de vie, c’est une excellente question et ce genre de rencontres sont particulièrement intenses et pleines de remises en questions.
    Je vous souhaite une belle route, et j’vais continuer à venir lire la suite de votre voyage, c’est certain ! 🙂

    1. Bonjour Natacha,
      Merci beaucoup pour ton message qui nous fait très plaisir et nous motive pour continuer à partager toutes ces aventures et ces rencontres ! Nous te souhaitons de te lancer et réaliser tes rêves !! A bientôt j’espère 🙂

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